Récits du martyre
  |  
Témoins du procès Maloyan
Cross

Youssef Elias Garabet

Arménien Catholique de Mardine, il raconte le martyre de son père qui refusa l’offre qui lui était proposée de sauver sa vie en se déclarant Syriaque Orthodoxe. Il est l’un des 25 témoins au procès diocésain de Mgr. Ignace Maloyan. Il fut interrogé par P. Edouard Kurdy, vicaire patriarcal de Damas des Arméniens catholiques, en 1966.

Je soussigné Youssef Elias Garabet, Mardiniote, vous informe :

En 1912, la guerre commença. Le gouvernement se mit à enrôler les jeunes comme soldats, jour après jour, jusqu’en 1914. Ensuite, l’ordre de déporter les Arméniens arriva ; l’arrestation et la déportation des arméniens commença. On arrêta Mgr. l’Evêque et les prêtres et on les a tués. On s’est mis à arrêter les Arméniens, à tuer et à piller.

En 1915, on arrêta les vieux, âgés de cinquante ans et plus. On les emprisonna ; on arrêta environ deux cents hommes pour les déporter et les massacrer. Quant on est arrivé à notre maison, on arrêta mon père qui fut emmené directement en prison. Nous avons su que c’était pour les massacrer peu après leur emprisonnement. 

Mon grand père était auparavant intendant sur tous les biens du Pacha Suleiman. Celui-ci l’aimait beaucoup. Il avait eu trois enfants que mon grand-père a vus. Ils ont grandi et sont devenus des jeunes. Le Pacha mourut et mon grand père aussi. Chaque année, les enfants du Pacha envoyaient à mon père les fruits pour la maison et voulaient lui rendre service en tout ce qu’il leur demandait. Quand on a emmené mon père en prison pour le tuer parce qu’il est Arménien, ma mère et mes tantes paternelles sont allées chez les enfants du Pacha et les prièrent de supplier le chef des déportations au sujet de mon père, peut-être il le gracierait et le ferait sortir de la prison. Et de fait, les enfants du Pacha sont allés supplier le chef des déportations de gracier mon père.

Le lendemain, le chef des déportations se rendit à la prison, et nous, nous attendions debout. Il dit : « Qui est Elias Haddad ? » C’était afin de le faire sortir. Il lui posa la question : « Pourquoi t’a-t-on emmené en prison ? Tu es Syriaque Orthodoxe, on t’a emmené par erreur, sors de la prison ». Mon père répondit : « Je ne suis pas Syriaque Orthodoxe, je suis Arménien catholique, mon bey ». Il lui répéta la question : « Tu es Syriaque Orthodoxe, sors dehors ». Mon père répéta en disant : « Je suis Arménien catholique, je suis Arménien catholique ».

Le chef se mit en colère et lui dit : « Ô homme, tu vas à la mort ». Mon père répondit : « Nous allons au paradis céleste, je suis Arménien et j’aurai la couronne de gloire pour l’amour du Christ ». Le chef des déportations le laissa alors, s’est mis en colère et sortit auprès des enfants du Pacha et leur dit : « Je n’ai pas vu un homme pareil ».

Le lendemain, on les emmena en dehors de Mardine, on les massacra, on les brûla. La fumée est parvenue jusqu’à l’intérieur de la ville.

Share:
Facebook
Twitter
Print
Go To Top
Go to top
Chapitre précédent

Zakié Toumadjian

Zakié Toumadjian

Previous Chapter
CHAPITRE SUIVANT

Card. Gabriel Tappouni

Card. Gabriel Tappouni

Next Chapter
Go To Top
Retour à l'action précédente
...et, une fois de plus, la bure franciscaine fut teinte du sang des martyrs...
LeonardMelki
© Farés Melki 2013